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Même ceux qui s’intéressent assez peu à l’environnement ont en sûrement entendu parler des néonicotinoïdes, ne serait-ce qu’une fois cette année. Ces insecticides ont fait l’objet de vifs débats à l’Assemblée nationale et au Sénat lors de l’examen du projet de loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages. Et il faut dire que les enjeux sont d’une importance capitale.
Les néonicotinoïdes semblent être incontournables pour les agriculteurs, pourtant leurs impacts sur l’environnement doivent être pris en compte pour notre survie. En effet, ils forment une classe de produits toxiques utilisée comme insecticides. Le premier du genre, l’imidaclopride, a été découvert par Shinzo Kagabu en 1958 au Japon. Il sera commercialisé à partir de 1991.
Depuis, d’autres substances actives similaires ont été mises sur le marché par les géants de l’agrochimie comme Bayer, Syngenta ou encore Mitsui Chemicals. Parmi elles, on peut citer l’acétamipride, le dinotéfurane, le nitenpyrame, le thiaméthoxame, le thiaclopride ou encore la clothianidine.
En peu de temps, les néonicotinoïdes sont devenus les insecticides les plus utilisés dans le monde. Il faut reconnaître qu’ils sont particulièrement efficaces. Comme il s’agit de neurotoxiques, ils agissent directement sur le cerveau et ciblent les récepteurs nicotiniques de l’acétylcholine. Autrement dit, ils déstabilisent le système nerveux central des insectes parasites entraînant une paralysie puis la mort.
Leur mode d’utilisation distingue les néonicotinoïdes des autres insecticides. Ces derniers sont généralement répandus sur les champs tandis que les néonicotinoïdes, eux, sont majoritairement utilisés, de manière préventive, en enrobage des semences. Grâce à leurs propriétés systémiques, ils pénètrent dans le système vasculaire de la plante et se retrouvent dans les feuilles, le nectar et même le pollen.
Si l’utilisation des néonicotinoïdes était considéré comme dossier le plus épineux de la loi Biodiversité, c’est parce que ces insecticides sont quasiment irremplaçables pour les agriculteurs.
Ils représentent effectivement environ 40% du marché mondial des insecticides agricoles. Et leurs caractéristiques plaident beaucoup en leur faveur.
Premièrement, leur haute toxicité pour les insectes assure une protection efficace à la production. Deuxièmement, la forte concentration du produit réduit considérablement les dépenses des agriculteurs. Il faut à peine quelques grammes de néonicotinoïdes pour protéger un hectare de culture. Troisièmement, leurs propriétés systémiques assurent une protection globale de la plante traitée. Pour finir, leur longue persistance dans les zones traitées offre une protection longue durée. On comprend donc pourquoi les agriculteurs ne veulent pas d’une interdiction de l’utilisation des néonicotinoïdes, surtout que le secteur agricole est déjà malmené par les effets néfastes du changement climatique.
Rapidement, les écologistes ont pointé du doigt l’utilisation des néonicotinoïdes. Les associations de défense de l’environnement remettent en question les qualités de ces insecticides tant vantées par les agriculteurs. Selon eux, la haute toxicité du produit représente une plus forte dangerosité. La protection globale de la plante correspondrait plutôt à une contamination globale. Ils dénoncent particulièrement la faible biodégradabilité du produit.
Un terrain traité avec des néonicotinoïdes sera toujours contaminé des années après l’arrêt de l’utilisation du produit. Pour l’enrobage des semences, la plante n’absorbe en effet qu’une petite partie de l’insecticide. Le reste se retrouve donc dans les sols et contamine pendant de longues années les champs traités.
Pire, les eaux de ruissellement pourraient propager le produit, affecter les parcelles à proximité, tuer la faune souterraine et surtout affecter les nappes phréatiques. D’après les chercheurs, les néonicotinoïdes ne nuisent pas qu’aux insectes. Ils impacteraient également sur les oiseaux des champs par la raréfaction des insectes et l’ingestion de semences enrobées de ces insecticides.
C’est surtout les impacts des néonicotinoïdes sur les abeilles qui font craindre le pire aux associations de défense de l’environnement. Les butineuses sont très particulièrement exposées à ces insecticides qui se retrouvent dans le nectar et le pollen des plantes.
Au mois de juin, une pétition, demandant l’interdiction des néonicotinoïdes parce qu’ils augmentent le taux de mortalité des abeilles, avait été remise à Ségolène Royal. D’après l’Union nationale des apiculteurs français (UNAF), ces insecticides seraient responsables de la disparition 300 000 colonies d’abeilles en France chaque année.
Le problème, c’est que les néonicotinoïdes ne provoquent pas la mort instantanée des abeilles. Ils n’agissent qu’à des doses très faibles sur elles, ce qui n’est pas suffisant pour les tuer sur le coup.
Toutefois, des travaux français ont prouvé que l’exposition d’une butineuse à un milliardième de gramme d’un néonicotinoïde suffisait à la désorienter. Elle aurait alors du mal à retrouver le chemin de sa ruche. D’autres études ont démontré que les néonicotinoïdes rencontrés dans l’environnement réduisaient de près de 80% la capacité des bourdons à se reproduire. Ils sont donc responsables en partie de la chute alarmante de la population d’abeilles constatée en Europe ces dernières années.
Dans le cadre du projet de loi Biodiversité, l’amendement prévoyant l’interdiction des néonicotinoïdes a fait couler beaucoup d’encre. Au mois de mars, les députés l’avaient adopté dans le cadre de la deuxième lecture à l’Assemblée nationale.
Toutefois la date d’entrée en vigueur a été repoussée au 1er septembre 2018 pour permettre aux agriculteurs de trouver d’autres alternatives. La décision a été saluée par les associations de défense de l’environnement, conscients du fait que les députés ont dû faire face à des pressions de la part des lobbys agro-industriels et de l’exécutif. La joie sera toutefois de courte durée. Au mois de mai, le Sénat adopte, par 263 voix pour et 48 contre, les amendements similaires du gouvernement et de Nicole Bonnefoy.
Ces textes définissent les conditions dans lesquelles les néonicotinoïdes seront progressivement interdites en France. Aucune date limite n’a toutefois été adoptée. Les députés ont néanmoins eu le dernier mot au mois de juin. Le texte interdisant l’usage de néonicotinoïdes à partir du 1er septembre 2018 fut définitivement adopté. Seulement, des dérogations pourront être accordées jusqu’au 1er juillet 2020 par un arrêté conjoint des ministres chargés de l’agriculture, de l’environnement et de la santé
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